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Je m’appelle Agnès Abécassis et voilà comment j’écris…

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Je m’appelle Agnès Abécassis et voilà comment j’écris…


Agnès Abécassis écrit. Beaucoup. Des romans, qu’elle illustre parfois, des bande-dessinées qu’elle dessine aussi, et même des essais hédonistes sur le développement personnel. Entre son premier roman Les tribulations d’une jeune divorcée et le dernier Café ! un garçon s’il vous plaît, un inédit qui vient de paraître au Livre de Poche, c’est plus d’un million de lecteurs qui ont dévoré les aventures de ses personnages.

Quand Agnès n’imagine pas ses scénarios pour le papier, elle en écrit pour la télé (vous vous souvenez de Philippe Dana et de l’émission Ça Cartoon ?) ou pour le cinéma. Elle est aussi journaliste et animatrice radio.

Tout ça en même temps, ou en alternance.

 

Portrait d'Agnès Abécassis
A la suite de Davy, Vinvin et Fabien, c’est au tour d’Agnès Abécassis de nous livrer ses secrets de fabrique.

 

Là, tout de suite, sur quoi écris-tu ?

Je ne raconte jamais sur quoi je travaille. Jamais. C’est la base. Ça m’angoisse 🙂

 

Tes premiers souvenirs d’écriture ?  

J’ai commencé à écrire quand j’ai eu ma première fille. J’ai eu envie d’inventer pour mon bébé des histoires pour enfants, et j’en ai écrit cinq ou six, que j’ai illustrées aussi dans la foulée. Elles n’ont jamais été publiées, il faudrait que je les propose à un éditeur…

 

D’où est venue l’envie d’écrire ?

De la lecture qui a toujours eu une place prépondérante dans ma vie. Lecture et écriture sont étroitement liées. On ne peut pas écrire si on n’est pas, à la base, une grande lectrice. Auparavant, je dessinais. Tout le temps. J’ai changé de mode d’expression sans vraiment m’en rendre compte, ça s’est fait tout naturellement. Comme on passerait d’un instrument de musique à un autre.

 

Quand t’es-tu senti professionnelle ?

Professionnelle dans l’écriture ? Quand mon premier article a été publié dans un magazine. Romancière pour de vrai ? Quand j’ai tenu mon premier roman entre mes mains. Je l’ai découvert le jour du service de presse, j’étais seule dans une pièce vide, je souriais bêtement, et je m’interdisais de fondre en larmes : sans public, ça aurait été encore plus pathétique ! Mais je pense que le fait de recevoir une rétribution monétaire pour son travail donne une certaine légitimité. Des gens ont investi des sous pour acheter ce que l’on a produit. Ils nous les ont donnés à nous, pas à un(e) autre. C’est bien la preuve qu’on joue désormais dans la cour des grands.

 

Est-ce qu’il y a des thèmes récurrents dans ton œuvre ?

L’amour. L’espoir. La reconstruction en mieux. Le positivisme. J’ai besoin que mes productions fassent du bien au lecteur. J’ignore pourquoi, mais ça m’est nécessaire. Mon écriture saupoudrée d’humour en est une conséquence, j’imagine. Je veux donner du plaisir à la personne qui me lit. De toutes les émotions, c’est sans doute celle qui m’intéresse le plus.

Café, un garçon d'Agnès Abécassis
A chaque nouvelle sortie, les lecteurs d’Agnès Abécassis lui envoient diverses photos liées à son livre. De chouettes fans.

 

Quelle est ta routine de travail ?

J’écris souvent tôt le matin. Dans le calme, le silence, un mug de thé à côté de moi. Quoique depuis quelques années, j’alterne avec le café. Sans sucre, toujours. Je n’ai pas de journée d’écriture type, je ne suis jamais parvenue à cette rigueur. J’ai toujours mille choses à faire, j’essaie donc d’écoper ce qui est important ou ce qui risque de me distraire, et ensuite, je plonge dans cet état second consistant à m’immerger avec mes personnages, pour les voir évoluer. Ça peut durer trois heures, comme ça peut en durer cinq en fonction des circonstances.

 

Quels sont tes outils ?

Un carnet Paperblanks pour y noter mes idées dans la journée, une page Word pour les y transférer. Et des feutres Stabilo OH Pen à pointe fine que j’achète par dizaines, pour toujours en avoir avec moi tant j’aime leur confort d’écriture.

 

Ton environnement d’écriture préféré ?

Chez moi exclusivement. Je suis sauvagement casanière. J’ai essayé d’écrire ailleurs, mais ça ne marche pas. Je suis une contemplative, j’adore observer ou écouter les gens, et laisser courir mon imagination. Impossible alors de me concentrer sur mon texte, donc pour être efficace, je reste derrière mon bureau.

 

Comment abordes-tu un nouveau projet ?

Quand j’entame un nouveau roman par exemple, ça ressemble à une fécondation. Une idée rencontre une autre idée. Et sur ce terrain propice, elle s’ancre en elle. Petit à petit, le concept se forme, se développe, se construit. Il n’est rien au début, et tout à la fin. Et moi, je suis là, j’observe, je note, je corrige, j’invente. Tout cela peut prendre des mois, avant que je comprenne précisément à quoi ressemblera l’histoire finie.

L’idée n’est rien, si elle n’est pas remodelée longuement comme on pétrit un bon pain.

Quelle est la part d’improvisation et de préparation dans l’écriture ?

Très peu. Tout est très travaillé, très relu, et surtout mille fois corrigé. Einstein disait : « Le génie, c’est 1% d’inspiration, et 99% de transpiration ». Ce sera donc, à lui et à moi, notre seul point commun ! L’idée n’est rien, si elle n’est pas remodelée longuement comme on pétrit un bon pain. Sans y ajouter d’air (l’inspiration), sans y adjoindre de levure (les envolées lyriques), et sans y jeter une pincée de sel (pour accommoder à mon goût), c’est juste une bouillie informe de farine mélangée à de l’eau. Bien sûr, il m’est arrivé d’avoir des fulgurances : un dialogue si nickel qu’il n’avait pratiquement pas besoin d’être retouché, une scène idéale. Mais c’est assez rare. D’ailleurs, quand je relis mes notes, après la parution d’un roman, je retrouve des passages écrits à la main dans mes carnets, qui figurent, d’une certaine manière, la version préhistorique de ma scène publiée.

 

Pour toi, quel est l’ingrédient principal d’une bonne histoire ?

L’envie, le désir, le besoin de la raconter. Il faut que ça submerge l’auteur, pour pouvoir emporter le lecteur.

 

Aujourd’hui, et hors de ta prochaine création, de quelle histoire es-tu la plus fière ?

C’est comme de demander à une mère de choisir entre ses enfants… Honnêtement, je ne sais pas. Peut-être mon roman « Les tribulations d’une jeune divorcée » (au Livre de Poche). Je l’ai écrit avec une liberté de ton un peu folle, un ton que j’ai discipliné par la suite, après l’immense succès qu’a rencontré ce livre.

Les tribulations d'une jeune divorcée d'Agnès Abécassis
Les tribulations d’une jeune divorcée, premier roman d’Agnès Abécassis s’est vendu à plus de 200 000 exemplaires.

 

A l’inverse, parle nous d’un gros ratage ?

Plutôt qu’un ratage, je pense plutôt à des occasions manquées. Des projets que je n’ai pas osé aborder, des absences de confiance en moi qui m’ont inhibée. Mais je préfère les oublier.

 

Comment construit-on un bon personnage ? De quoi pars-tu ?

Je pars soit d’expériences vécues sur lesquelles je vais rebondir pour les transformer en autre chose (je les utilise rarement brutes), soit d’observations qui entrent en résonance avec des choses qui me plaisent, ou qui me parlent.

 

Une astuce pour qu’un dialogue ou un texte sonne juste ?

Que mon regard ne ripe pas dessus à la relecture. Il faut que tout soit fluide.

Si je sèche, je m’en lave les mains. […] Je quitte mon siège, j’abandonne tout, et je vais dans la cuisine faire la vaisselle.

 

La scène, le dialogue ou le texte que tu as eu le plus de mal à écrire ?

Tout dépend du climat émotionnel que je traverse. J’écris mieux en étant sereine, libre, et éloignée de tout conflit. Donc si ces circonstances ne sont pas réunies, je serre les dents et j’écris quand même, dans la douleur. Ça m’est arrivé. Forcément… Mais la véritable réponse à cette question impliquerait quelque chose de trop personnel. Donc je passe.

Illustration d'Agnès Abécassis dans Les tribulations d’une jeune divorcée
Illustration © Agnès Abécassis,  « Les tribulations d’une jeune divorcée » au Livre de Poche – 2014.

 

Dans un cadre plus quotidien, et comme, en écriture, on ne peut pas toujours être à 100 à l’heure, j’ai une technique quand je bloque sur un passage : si je sèche, je m’en lave les mains. Voilà. C’est très exactement comme cela que ça se passe. Je quitte mon siège, j’abandonne tout, et je vais dans la cuisine faire la vaisselle. Ne ricanez pas, Agatha Christie avait la même astuce ! Le mouvement répétitif de l’éponge me plonge dans un état de méditation, accentué par l’eau fraîche qui coule sur mes mains. Du coup, je déconnecte, je me détends, je lâche prise, et hop ! L’idée que je pressais d’apparaître sans succès afflue, lumineuse, au moment où je ne la cherchais plus.

 

La dernière bonne histoire que tu as lue, vue ou entendue ?

Aïe… je déteste citer des œuvres, d’une part parce que j’ai une mémoire de poisson rouge, et d’autre part parce que… eh bien… je ne m’en souviens pas !

Ceci dit, quand je découvre une œuvre qui me plaît, par exemple une nouvelle série, format que je consomme avidement, j’éprouve le besoin d’en faire la promo. Il faut que je partage mon exaltation ! J’ai besoin d’annoncer au monde les pépites que j’ai découvertes ! D’ailleurs, j’ai quelques copains écrivains (ou pas), boulimiques comme moi de séries TV, qui notent scrupuleusement les titres que j’ai adoubés.

Dernièrement, j’ai pas mal recommandé Feud, Big Little Lies et The Good Fight, la spin-off de The Good Wife, qui est d’ailleurs clairement 30 km au-dessus…

Feud, c’est une série d’anthologie où chaque saison se concentre sur la rivalité entre deux protagonistes célèbres. La première saison a porté sur la concurrence entre Joan Crawford et Bette Davis (incarnées respectivement par Jessica Lange et Susan Sarandon, magistrales) sur le tournage du film Qu’est-il arrivé à Baby Jane ? C’est une série qui parle d’histoire, de culture, elle est si réussie qu’après chaque épisode, j’allais faire un tour sur internet pour voir ce qui s’était réellement passé. Comme par exemple cette scène hallucinante de Joan Crawford qui vole l’Oscar à Bette Davis : tout est fidèle, jusqu’à la coiffure de Crawford, saupoudrée d’argent, et on apprend pourquoi dans la série…

Big Little Lies est une mini série en sept épisodes, adaptée d’un roman de L. Moriarty, et créée par David E. Kelley, à qui on doit des séries comme Ally Mc Beal pour n’en citer qu’une seule. Pour le casting, il a sélectionné un caviar d’actrices : Nicole Kidman, Reese Witherspoon, Laura Dern, Zoë Kravitz, Shailene Woodley, etc. Tout y est excellent : l’intrigue, le jeu des comédiennes, la réalisation, le drame, la comédie… c’est un thriller au féminin de très grande qualité.

The Good Fight, il faut le voir, parce que quand c’est aussi bon, on ne pinaille pas, on plonge et on savoure ! C’est profondément intelligent, c’est remarquablement écrit et c’est superbement joué. Les scénaristes sont partis d’une situation d’urgence pour créer un scénario à couper le souffle, une intrigue centrée sur le personnage de Diane Lockhart, qui, à la veille de sa retraite, se retrouve ruinée par un scandale financier inspiré de Madoff. Bon, quand ça va vite, généralement ça n’envoie que du bruit, mais pas ici. Il y a une osmose dans l’intelligence des situations, des interactions entre les personnages et des dialogues.

Si j’ai le droit à une de plus, je dirais Better Things, de Louis C.K et Pamela Adon, le portrait d’une mère de famille qui a trois filles, et qui jongle entre son rôle de mère et sa vie de femme et de comédienne. C’est complètement foutraque mais c’est tendre, cynique, rigolo et un poil désespéré, mais rien qui déprime !

 

A l’inverse, la dernière fois que tu as été accrochée par la promesse d’une histoire ou par un pitch et qu’au final, tu as été déçue ?

D’une manière générale, je passe vite à autre chose et ne m’attarde pas si je considère que l’œuvre n’est pas à la hauteur du pitch. Je n’ai donc jamais de grandes déceptions. Disons que je déteste quand c’est lent sans raisons. Par exemple, une série comme Westworld, ça se traîne trop pour moi. Pas d’évolution des personnages d’un épisode à l’autre, des actions répétitives, ils ont pris une saison entière pour planter le décor. Bof. A côté de ça, le rythme délicat d’un Downton Abbey me convient tout à fait. Les intrigues sont suffisamment solides et bien construites pour me captiver malgré le calme (très) relatif des épisodes.

 

Le meilleur conseil d’écriture que tu aies reçu ?

Je crois que c’était Stephen King, dans « Ecriture, mémoires d’un métier », qui évoquait l’art d’élaguer et combien il était nécessaire de se forcer à le faire, même si on était fier de sa prose. A chaque fois que je coupe des passages pour tonifier un paragraphe ou pour accélérer un rythme, je pense à lui.

Stephen King, écriture, mémoires d'un métier
Le livre est à retrouver dans ma bibliothèque idéale du conteur.

 

Le livre qu’il faut absolument avoir lu pour comprendre comment bien raconter une histoire ?

Tous, voyons ! Aucune histoire ne se raconte de la même manière. Aucune. A chacun de trouver la façon qui lui est propre. Je ne crois d’ailleurs pas aux techniques d’écriture, aux règles ou aux obligations. En tout cas, pas en littérature.

 

Le scénariste que tu admires par-dessus tout ?

Malheureusement, les scénaristes étant si peu mis en avant par rapport aux réalisateurs, il n’est pas évident de savoir instantanément les identifier. Comme je suis une dingue absolue de cinéma espagnol, je dirais Alex de la Iglesia. Et pour la BD, je citerai René Goscinny, intemporel, et André Franquin, ce génie.

il y a des histoires dont je regrette de ne pas avoir eu l’idée. Ce sont surtout des récits de science-fiction !

L’histoire qui t’a influencée ou que tu aurais aimé avoir écrite (et pourquoi ?)

Houlà, quand je prends du plaisir à lire une histoire, je trouve ce plaisir dans mon statut de lectrice qui se laisse faire, qui accepte d’être embarquée grâce aux mots d’un autre. Je ne retiens rien des techniques utilisées. Simplement, je savoure. Bien sûr, il y a des histoires dont je regrette de ne pas avoir eu l’idée. Ce sont surtout des récits de science-fiction ! Quand on peut tout faire, tout imaginer, et tout inventer, et que je me dis… mais pourquoi je n’ai pas osé aller par là ?

 

Celle que tu conseilles ou que tu offres régulièrement ?

Il n’y a pas de règles. Je conseille mes derniers coups de cœur, mais pas seulement. Quand j’offre un cadeau, je cherche avant tout à m’adapter aux goûts de la personne, ça donne une palette trop large pour être résumée par des œuvres récurrentes.

Agnès Abécassis - strip BD
Strip extrait de l’album « Les carnets d’Agnès » chez Hugo BD

 

Si c’était possible, qui voudrais-tu voir répondre à ce questionnaire ?

Tiens… Toi, Yannick, par exemple.

Je m’appelle Vinvin et voilà comment j’écris…

Comment j'écris Scénarios Théâtre, Stand-up, One Man Show Writing

Je m’appelle Vinvin et voilà comment j’écris…


Vinvin est auteur parce qu’auteur, « c’est comme un écrivain, mais qui n’aurait pas encore écrit de livre ». Mais ça ne saurait tarder. 

Son pseudo, les gens pensent que c’est un petit surnom crétin pour Vincent. Mais son vrai nom, c’est Cyrille (avec deux L) de Lasteyrie du Saillant, rien à voir, même si ça claque. En fait, Vinvin, ça vient de son premier blog ouvert en 2004 et qui s’intitulait 20/20 parce qu’il y notait tous les trucs de la vie sur 20.  

Vinvin est pro du storytelling. C’est notamment l’un des associés fondateurs de Storycircus, la société qui produit notamment « DataGueule » et les « Recettes Pompettes » (prod exécutive). Il donne également des conférences sur l’intelligence artificielle et sur comment on va tous se faire bouffer par les robots. Et aussi des conférences sur la créativité et la prise de risques ,notamment au TEDx Paris dont il est un pilier.  Passionné de web, il a également présenté Le grand webzé et le Vinvinteur sur France 5.

De temps en temps, pas assez à son goût, il joue la comédie, sur scène (A mon cher moi et Il est où le bonheur ? DTC) ou dans des web séries, dont il écrit les textes.

Le reste du temps, il habite « à l’ouest ».  Et puis, il écrit, écrit et écrit des trucs et des machins.

 

Là, tout de suite, sur quoi écris-tu ?

Mon livre « Et pourquoi pas ! » dont je viens de finir le financement sur Ulule, sortira en avril/mai. Et, du coup, je pourrai peut-être dire « écrivain ». Enfin non, je ne crois pas, je ne suis pas prêt. C’est un recueil de plus d’une centaine de textes dans lesquels je parle de tout et de rien, absolument en vrac. Dans le livre, grâce au large dépassement du financement initial, je vais pouvoir faire bosser une dizaine d’illustrateurs qui viendront s’immiscer dans le texte. Un rêve de gosse… On va chanter aussi, avec tous les gens qui ont choisi cette contrepartie, un truc du genre « We are the world » avec des casques et des attitudes profondément généreuses.

Je bosse également sur un sketch qu’on aimerait tourner pour le web, un truc avec des gens dedans. Ce serait drôle et émouvant à la fois, un peu comme un long métrage mais en plus court. Il y aurait des répliques, un décor, des techniciens qu’on ne verrait pas dans l’image sinon ça ferait amateur…

 

Tes premiers souvenirs d’écriture ?  

J’ai commencé à écrire quand j’ai eu l’âge de tenir un stylo. Mais j’ai commencé par le dessin. J’ai gardé toutes mes premières histoires à base d’indiens et de cowboys. Je note que quand on est petit, on dessine des zizis aux messieurs. Comme pour être bien sûr de ce qu’on dessine. Ceci dit, quand je regarde les dessins où je représentais des femmes, on les reconnaissait grâce à leurs cheveux longs en forme de bâtons. Bizarre.

 

D’où est venue l’envie d’écrire ?

Parce que j’étais fils unique et qu’il fallait bien que je m’invente des histoires sous peine de me tirer une balle avant d’avoir atteint l’âge de raison. Je vidais mon coffre à jouets de tous ses jouets et je m’asseyais au fond du coffre avec un cahier. Et j’écrivais.

 

Quand t’es-tu senti professionnel ?

J’ai commencé dans le marketing direct en écrivant des prospectus publicitaires pour les Editions Atlas. Les aventures de Barbie en 50 fiches ou l’histoire de l’Egypte avec une trousse à gagner et un taille crayons Nefertiti. Des collections pour pas cher que les mecs fabriquaient seulement s’ils avaient plus de 3000 couillons pour les commander : super rentable. J’ai fait ça trois ans, avant de menacer de faire sauter l’immeuble. Ils m’ont muté aux catalogues de vacances.

 

Est-ce qu’il a des thèmes récurrents dont ton œuvre ?

La mort, qui rôde, jamais très loin. Et donc l’urgence de vivre à fond.

Vinvin - à mon cher moi
L’affiche d’à mon cher à moi, le premier One Man Show de Vinvin, déjà sur la mort.

 

Quelle est ta routine de travail ?

Je me réveille super tôt, autour de 5h30. Tout en restant au lit, je fais un petit quart d’heure de réseaux sociaux, histoire de voir l’état délabré du monde. Ensuite, j’envoie quelques mails pros et prépare des rdv. Vers 6h00, je me mets à écrire jusqu’à 7h. Interruption petit déjeuner, enfants, douche et je reprends ma vie vers 8h, toujours sur mon lit, jusqu’au déjeuner. L’après-midi, j’écris à mon bureau, assis droit et concentré, avec des musiques sans parole, sinon ça fait des interférences dans la tête. Après 18h, je ne suis plus bon à rien pour l’écriture. Je règle les affaires courantes et autres récréations jusqu’à la nuit. En gros, je suis super créatif le matin, et plutôt besogneux l’après-midi. Mais les deux séquences cohabitent harmonieusement et sont indispensables.

Quels sont tes outils ?

J’écris toutes mes idées en vrac sur des cahiers en tous genres. Mais toujours avec un stylo plume Lamy fantastique que j’ai depuis 5 ans et qui n’a pas bougé. J’en ai acheté un de secours, comme les parents qui achètent un doudou en double mais qui ne servira jamais car il ne sent pas la salive mouillée… Bref. Quand je sens que ça vient et que j’ai les bases d’une histoire, je passe direct sur ordi avec Pages (Mac). Quand j’écris du scénario à dialogues, j’utilise Final Draft, hyper pratique pour gagner 50% de temps sur la mise en page.

J’écris en une heure dans un café ce que j’écris en quatre heures chez moi.

Ton environnement d’écriture préféré ?

Si je suis à la maison, j’écris allongé sur mon lit avec ordi sur les genoux et pas de musique. Mais je préfère vraiment écrire dans un café. Plus il y a de monde et de bruit, plus je suis concentré et précis. J’écris en une heure dans un café ce que j’écris en quatre heures chez moi.

 

Comment abordes-tu un nouveau projet ?

Je ne commence pas vraiment à écrire tant que je n’ai pas une idée assez précise de la fin. Il faut boucler une boucle, et donc partir à l’aveugle, c’est bien, c’est excitant, mais souvent, on n’arrive nulle part ou alors c’est super laborieux. En gros, je pars d’une idée du genre « le mec arrive dans le bar, il est tout beau et prétentieux, et il repartira à poil avec une citrouille dans le cul » (c’est un exemple). Et ensuite je déroule. C’est important de visualiser une bonne chute avant de commencer la première phrase. L’improvisation, c’est comme un état de grâce qu’on atteint parfois quand on écrit. On ne voit pas le temps passer, ça flotte et les phrases s’enchaînent. A la fin, on regarde son texte en se disant qu’il s’est passé un truc. J’adore ces moments-là, c’est pour ces moments que j’écris.

 

Pour toi, quel est l’ingrédient principal d’une bonne histoire ?

La transformation du héros. C’est classique mais c’est capital. Il faut que le héros traverse quelque chose de fort sinon on s’ennuie. Il faut un enjeu, des questions qui se posent, des conséquences fortes sur son destin. J’aime bien assister à ces transformations. Ensuite, il faut un dosage entre le rire et le sérieux. J’aime bien le rythme varié de ces émotions.

 

Aujourd’hui, et hors de ta prochaine création, de quelle histoire es-tu le plus fier ?

C’est le texte de mon premier spectacle, « À mon cher moi » (mise en scène de Michèle Laroque. Name droping !), que j’ai joué au Point Virgule et à la Comédie des Trois Bornes. Il y avait tout dedans : les angoisses, l’autodérision, la mort, le cul, l’amour, des expériences inavouables et une bonne chute. C’était vraiment bien ficelé.

Quand on bosse avec des gens de qualité, les histoires ratées ne vont pas plus loin que le foutage de gueule collectif.

A l’inverse, parle nous d’un gros ratage ?

Des histoires ratées, j’en ai un milliard dans les tiroirs et les recoins de ma tête. Mais jusqu’à maintenant ,il y a toujours eu des bonnes âmes ou des anges gardiens pour m’éviter de les livrer publiquement. Quand on bosse avec des gens de qualité, les histoires ratées ne vont pas plus loin que le foutage de gueule collectif. On les remise dans sa culotte et on passe à autre chose.

On a souvent tendance à ouvrir une page, écrire le nom et le prénom du personnage, son âge, son métier, puis on déroule son enfance en imaginant des trucs, puis ses rencontres, etc. À la fin, on a une belle page avec un personnage dont on ne sait pas quoi faire…

Comment construit-on un bon personnage ? De quoi pars-tu ?

Je pars de ses émotions et de ses interactions avec les autres protagonistes, jamais de son CV ! On a souvent tendance à ouvrir une page, écrire le nom et le prénom du personnage, son âge, son métier, puis on déroule son enfance en imaginant des trucs, puis ses rencontres, etc. À la fin, on a une belle page avec un personnage dont on ne sait pas quoi faire…

Aujourd’hui, je fais l’inverse, je commence par décider quel est son rôle dans l’histoire, quels sentiments il va véhiculer et ce que sa présence va apporter à la transformation du héros. S’il ne sert à rien, pas la peine de créer sa fiche de poste. Et il est important de créer ses émotions par rapport au héros mais aussi avec les personnages secondaires.

Pour prendre un exemple, j’aime bien la définition des personnages dans le film d’animation « Vice Versa ». Tristesse, colère, joie, etc, sont des définitions grossières mais, au moins, on comprend vite qui est qui et sa relation aux autres. C’est un peu sur ce principe que je crée mes personnages.

 

Une astuce pour qu’un dialogue sonne juste ?

Il faut écrire vite, comme quand on parle dans la vie. Pas de dialogue plus long que trois phrases sinon le comédien ne pourra pas les apprendre et ça va retarder le tournage ! Sérieusement, il faut du rythme, des silences (on oublie trop souvent les silences qui en disent long…) et de la vérité. Chaque mot bizarre éloigne le spectateur de la réalité du dialogue. Personne ne dit « cependant » ou « c’est ainsi » dans un dialogue de la vie. Il faut donc se coller au réel le plus possible.

 

La scène, le dialogue ou le texte que tu as eu le plus de mal à écrire ?

L’écriture dans son ensemble est un texte qu’on a du mal à écrire. Mais il survient toujours ce petit moment de folie où tout soudainement prend du sens, s’imbrique et s’aligne pour parvenir au but.

 

Vinvin - j'en crois pas mes yeux
Vinvin sur le tournage de J’en crois pas mes yeux

 

La dernière bonne histoire que tu as lue, vue ou entendue ?

L’histoire d’un mec qui s’était suicidé d’une flèche dans le dos. Un truc pas net…
(vanne tirée du film « Fletch aux trousses » que les moins de trente ans ne peuvent pas connaître)

 

A l’inverse, la dernière fois que tu as été accroché par la promesse d’une histoire ou par un pitch et qu’au final, tu as été déçu ?

Avant d’aller voir Passengers, je me réjouissais du pitch. Voici le pitch : « Le Starship Avalon est un vaisseau spatial faisant route vers une lointaine planète colonisée. À son bord, plus de 5 000 passagers sont en sommeil dans des capsules d’hibernation, pour ce voyage d’une durée de 120 ans. L’un des tubes connait un problème et réveille son occupant, Jim Preston, 90 ans trop tôt… » Pas mal non ? Le résultat est une bouse. Le héros ne provoque pas d’empathie. C’est un con. Les enjeux sont maigres. Le fin est courue d’avance. Avec aucun personnage secondaire digne de ce nom et aucune morale ou au moins un pseudo message. Il ne se passe rien. Hyper déçu.

 

Le meilleur conseil d’écriture que tu as reçu ?

Il y a longtemps, un pote m’avait demandé quel était mon rêve dans la vie. Je lui avais répondu que je rêvais de devenir écrivain. Il m’avait alors dit «  Et bien écris ! ». Pas mal non ?

Sérieusement, à chaque fois que je suis trop dans le fantasme, dans la posture, dans l’attente du résultat ou du rêve de gloire, je repense à cette évidence. D’abord, commence par écrire, phrase par phrase, page après page… Ensuite, tu pourras te rêver quelqu’un.

 

Le héros aux mille et un visages de Joseph Campbell
Un grand classique classique recommandé ci-dessous

 

Le livre qu’il faut absolument avoir lu pour comprendre comment bien raconter une histoire ?

Pour les débutants, il y a un passage obligé c’est « Le héros aux mille et un visages » de Joseph Campbell. Il faut l’acheter mais surtout il faut le lire, et le relire. Ensuite, je vous conseille de regarder le film « Voyage au bout de l’enfer » de Michael Cimino. Ce film est à lui seul la somme de toutes les règles du storytelling. Transformations, personnages secondaires, symboliques, variété des émotions, etc. Du pur génie. Et enfin pour se mettre à la tête à l’envers et tout oublier de toutes les règles, il faut essayer de lire « Finnegans wake » de James Joyce. Celui qui y parvient, je lui paie une mousse.

 

Le scénariste que tu admires par-dessus tout ?

Les Monty Python. Désolé, j’aurais voulu dire Audiard, Astier, les Nuls ou Gotlib, que je surkiffe pour mille raisons, mais les Monty Python sont à l’origine de ma vocation alors je leur rends hommage dès que c’est possible. Peut-on dire qu’ils sont scénaristes ? Oui, entre autres.

L’absurde de l’humour anglais est un bain de jouvence dans lequel je n’oublie pas de me replonger quand je sens que mon écriture devient trop technique.

L’histoire qui m’a influencée ou que j’aurais aimé avoir écrite (et pourquoi ?)

Il s’agit donc de « Monty Python Sacré Grââl », film que j’ai vu à treize ans et qui a changé ma vie. Certains veulent devenir pompiers ou pilotes, moi je voulais devenir chevalier avec une noix de coco. Le jour où j’ai vu ce film, j’ai su que je voudrais faire ça plus tard. Je ne savais pas exactement quoi, et je cherche encore d’ailleurs, mais c’était ça ! J’aurais aimé l’écrire car cette histoire n’a ni queue ni tête et renverse toutes les règles du storytelling. L’absurde de l’humour anglais est un bain de jouvence dans lequel je n’oublie pas de me replonger quand je sens que mon écriture devient trop technique. Notamment en terme de transformation du personnage ; autant dire que les Monty Python en ont strictement rien à faire…

 

Celle que je conseille ou que j’offre régulièrement ?

J’offre le livre « Sublimes paroles et idioties » de Nasr Eddin Hodja aux gens que j’aime bien. Un recueil de textes délicieux, absurdes, grivois, insolents, comme rarement on en a écrits. Vraiment savoureux et facile à lire. Là encore, la part du scénariste est inexistante, c’est de la pure création sans ordre ni loi. Du pur plaisir.

 

Vinvin et John Cleese
Vinvin et John Cleese en 2008

 

Si c’était possible, qui voudrais-tu voir répondre à ce questionnaire ?

John Cleese que j’ai eu la chance de rencontrer et qui est vraiment un sacré bonhomme…

Conférences et masterclass Vidéos Writing

John Cleese sur l’inconscient comme origine de la créativité


Une conférence de John Cleese sur la source de la créativité.

Extrait :

« Les gens me demandent souvent : d’où tirez-vous vos idées ? Je réponds que je les reçois d’un M. Ken Levingshore qui vit à Swinden, il me les envoie tous les lundis matin sur une carte postale. J’ai demandé une fois à Ken d’où il obtient ses idées. Il les obtient d’une dame appelée Mildred Spong qui vit sur l’île de Wight. Il a demandé une fois à Mildred d’où elle obtient ses idées et elle a refusé de le dire. Donc, mon propos c’est que nous ne savons pas. C’est terriblement important. Nous ne savons pas d’où nous tirons nos idées. Ce que nous savons, c’est que nous ne les obtenons pas de nos ordinateurs portables.

Nous obtenons nos idées de ce que je vais appeler pour un moment notre inconscient – la partie de notre esprit qui continue à travailler, par exemple, quand nous sommes endormis.

Donc, ce que je dis, c’est que si vous êtes dans le bon état d’esprit, alors votre mode de pensée deviendra beaucoup plus créatif. Mais si,  toute la journée, vous courez, vous cochez les tâches d’une liste, en regardant votre montre, vous passez des appels téléphoniques et ou tout simplement, si vous gardez « toutes les balles en l’air », vous n’aurez pas d’idées créatives. »

I, Robot = mauvais Roger Rabbit ?

Cinéma Scénarios Structure Writing

I, Robot = mauvais Roger Rabbit ?


NB : Publié sur mon précédent blog, le 29/10/2007

Voilà, j’ai regardé I, Robot.

Autant le dire tout de suite c’est un pop-corn movie qui se tient mais que je n’ai pas aimé.

Inspiré d’un classique de la SF, le film ne rend pas hommage à la nouvelle d’Harlan Ellison et Isaac Asimov dont il s’inspire (de loin).

Résumé de l’intrigue : « I, Robot : En 2035, les robots sont devenus de parfaits assistants pour les êtres humains. Le détective Del Spooner enquête sur le meurtre du docteur Alfred Lanning, un chercheur en robotique. Le principal suspect semble être un androïde nommé Sonny. Or, si l’on s’en réfère aux 3 lois de la robotique, les robots ne sont pas dotés de la faculté de tuer… »

L'illustration est issue du génial blog, Pas de week-end pour les cyborgs.
L’illustration est issue du génial blog, Pas de week-end pour les cyborgs.

 

Donc ok, ce film regroupe tous les éléments du blockbuster : un sujet vendeur, un acteur bankable, un jolie fille, un peu d’humour, des effets spéciaux, du placement de marques (sic), de l’action et des deus ex machina à foison (re-sic)…

Mais au-delà de cela, le problème c’est surtout qu’I, Robot est la réplique « scolaire » et ratée d’un autre film, lui un chef d’oeuvre, ayant la même structure…

ça se ressemble un peu quand même (attention spoilers)

I, Robot Qui veut la peau de Roger Rabbit ?
Del Spooner est un flic qui bosse dans une ville pleine de robots Eddy Valiant est un flic qui bosse dans une ville pleine de toons
Il a un gros problème de comportement Il a un gros problème de comportement
Parce qu’un robot a provoqué un décès qui l’a marqué Parce qu’un toons a provoqué un décès qui l’a marqué
Depuis il déteste les robots Depuis il déteste les toons
Mais un robot semble avoir commis un crime Mais un toon semble avoir commis un crime
Il se rend chez USR Robotics, là où sont fabriqués les robots Il se rend à Toonville, là où vivent les toons
Il doit enquêter sur le robot et sympathise avec Il doit enquêter sur le toon et sympathise avec
Le robot est envoyé à la casse Le toon est envoyé à la trempette
Il finit par ce rendre compte que c’est un autre robot qui pète les plombs Il finit par ce rendre compte que c’est un autre toon qui pète les plombs
Avec son ami le robot, ils arrêtent le méchant robot Avec son ami le toon, ils arrêtent le méchant toon

A choisir donc, regardez roger rabbit, une 2e fois !