Extrait : « Le principe de l’histoire de « l’ange voyageur » met en scène un groupe de personnes en difficulté. Par exemple, une petite ville ou même une famille. L’ « ange voyageur » vient de l’extérieur. C’est un personnage parfait, en quelque sorte. Il débarque dans la ville et aide tous les habitants à remédier à leurs problèmes personnels avant de partir dans une ville. « L’ange voyageur » est une forme de comédie. Il s’avère que les Français maîtrisent cette forme mieux que quiconque dans le monde. À chaque fois qu’un Français écrit un tel scénario, ça donne un film de renommé international. Par exemple, Amélie Poulain, Chocolat… » – John Truby, Le gros journal du 28 février.
Vinvin est auteur parce qu’auteur, « c’est comme un écrivain, mais qui n’aurait pas encore écrit de livre ». Mais ça ne saurait tarder.
Son pseudo, les gens pensent que c’est un petit surnom crétin pour Vincent. Mais son vrai nom, c’est Cyrille (avec deux L) de Lasteyrie du Saillant, rien à voir, même si ça claque. En fait, Vinvin, ça vient de son premier blog ouvert en 2004 et qui s’intitulait 20/20 parce qu’il y notait tous les trucs de la vie sur 20.
Vinvin est pro du storytelling. C’est notamment l’un des associés fondateurs de Storycircus, la société qui produit notamment « DataGueule » et les « Recettes Pompettes » (prod exécutive). Il donne également des conférences sur l’intelligence artificielle et sur comment on va tous se faire bouffer par les robots. Et aussi des conférences sur la créativité et la prise de risques ,notamment au TEDx Paris dont il est un pilier. Passionné de web, il a également présenté Le grand webzé et le Vinvinteur sur France 5.
De temps en temps, pas assez à son goût, il joue la comédie, sur scène (A mon cher moi et Il est où le bonheur ? DTC) ou dans des web séries, dont il écrit les textes.
Le reste du temps, il habite « à l’ouest ». Et puis, il écrit, écrit et écrit des trucs et des machins.
Là, tout de suite, sur quoi écris-tu ?
Mon livre « Et pourquoi pas ! » dont je viens de finir le financement sur Ulule, sortira en avril/mai. Et, du coup, je pourrai peut-être dire « écrivain ». Enfin non, je ne crois pas, je ne suis pas prêt. C’est un recueil de plus d’une centaine de textes dans lesquels je parle de tout et de rien, absolument en vrac. Dans le livre, grâce au large dépassement du financement initial, je vais pouvoir faire bosser une dizaine d’illustrateurs qui viendront s’immiscer dans le texte. Un rêve de gosse… On va chanter aussi, avec tous les gens qui ont choisi cette contrepartie, un truc du genre « We are the world » avec des casques et des attitudes profondément généreuses.
Je bosse également sur un sketch qu’on aimerait tourner pour le web, un truc avec des gens dedans. Ce serait drôle et émouvant à la fois, un peu comme un long métrage mais en plus court. Il y aurait des répliques, un décor, des techniciens qu’on ne verrait pas dans l’image sinon ça ferait amateur…
Tes premiers souvenirs d’écriture ?
J’ai commencé à écrire quand j’ai eu l’âge de tenir un stylo. Mais j’ai commencé par le dessin. J’ai gardé toutes mes premières histoires à base d’indiens et de cowboys. Je note que quand on est petit, on dessine des zizis aux messieurs. Comme pour être bien sûr de ce qu’on dessine. Ceci dit, quand je regarde les dessins où je représentais des femmes, on les reconnaissait grâce à leurs cheveux longs en forme de bâtons. Bizarre.
D’où est venue l’envie d’écrire ?
Parce que j’étais fils unique et qu’il fallait bien que je m’invente des histoires sous peine de me tirer une balle avant d’avoir atteint l’âge de raison. Je vidais mon coffre à jouets de tous ses jouets et je m’asseyais au fond du coffre avec un cahier. Et j’écrivais.
Quand t’es-tu senti professionnel ?
J’ai commencé dans le marketing direct en écrivant des prospectus publicitaires pour les Editions Atlas. Les aventures de Barbie en 50 fiches ou l’histoire de l’Egypte avec une trousse à gagner et un taille crayons Nefertiti. Des collections pour pas cher que les mecs fabriquaient seulement s’ils avaient plus de 3000 couillons pour les commander : super rentable. J’ai fait ça trois ans, avant de menacer de faire sauter l’immeuble. Ils m’ont muté aux catalogues de vacances.
Est-ce qu’il a des thèmes récurrents dont ton œuvre ?
La mort, qui rôde, jamais très loin. Et donc l’urgence de vivre à fond.
L’affiche d’à mon cher à moi, le premier One Man Show de Vinvin, déjà sur la mort.
Quelle est ta routine de travail ?
Je me réveille super tôt, autour de 5h30. Tout en restant au lit, je fais un petit quart d’heure de réseaux sociaux, histoire de voir l’état délabré du monde. Ensuite, j’envoie quelques mails pros et prépare des rdv. Vers 6h00, je me mets à écrire jusqu’à 7h. Interruption petit déjeuner, enfants, douche et je reprends ma vie vers 8h, toujours sur mon lit, jusqu’au déjeuner. L’après-midi, j’écris à mon bureau, assis droit et concentré, avec des musiques sans parole, sinon ça fait des interférences dans la tête. Après 18h, je ne suis plus bon à rien pour l’écriture. Je règle les affaires courantes et autres récréations jusqu’à la nuit. En gros, je suis super créatif le matin, et plutôt besogneux l’après-midi. Mais les deux séquences cohabitent harmonieusement et sont indispensables.
Quels sont tes outils ?
J’écris toutes mes idées en vrac sur des cahiers en tous genres. Mais toujours avec un stylo plume Lamy fantastique que j’ai depuis 5 ans et qui n’a pas bougé. J’en ai acheté un de secours, comme les parents qui achètent un doudou en double mais qui ne servira jamais car il ne sent pas la salive mouillée… Bref. Quand je sens que ça vient et que j’ai les bases d’une histoire, je passe direct sur ordi avec Pages (Mac). Quand j’écris du scénario à dialogues, j’utilise Final Draft, hyper pratique pour gagner 50% de temps sur la mise en page.
J’écris en une heure dans un café ce que j’écris en quatre heures chez moi.
Ton environnement d’écriture préféré ?
Si je suis à la maison, j’écris allongé sur mon lit avec ordi sur les genoux et pas de musique. Mais je préfère vraiment écrire dans un café. Plus il y a de monde et de bruit, plus je suis concentré et précis. J’écris en une heure dans un café ce que j’écris en quatre heures chez moi.
Comment abordes-tu un nouveau projet ?
Je ne commence pas vraiment à écrire tant que je n’ai pas une idée assez précise de la fin. Il faut boucler une boucle, et donc partir à l’aveugle, c’est bien, c’est excitant, mais souvent, on n’arrive nulle part ou alors c’est super laborieux. En gros, je pars d’une idée du genre « le mec arrive dans le bar, il est tout beau et prétentieux, et il repartira à poil avec une citrouille dans le cul » (c’est un exemple). Et ensuite je déroule. C’est important de visualiser une bonne chute avant de commencer la première phrase. L’improvisation, c’est comme un état de grâce qu’on atteint parfois quand on écrit. On ne voit pas le temps passer, ça flotte et les phrases s’enchaînent. A la fin, on regarde son texte en se disant qu’il s’est passé un truc. J’adore ces moments-là, c’est pour ces moments que j’écris.
Pour toi, quel est l’ingrédient principal d’une bonne histoire ?
La transformation du héros. C’est classique mais c’est capital. Il faut que le héros traverse quelque chose de fort sinon on s’ennuie. Il faut un enjeu, des questions qui se posent, des conséquences fortes sur son destin. J’aime bien assister à ces transformations. Ensuite, il faut un dosage entre le rire et le sérieux. J’aime bien le rythme varié de ces émotions.
Aujourd’hui, et hors de ta prochaine création, de quelle histoire es-tu le plus fier ?
C’est le texte de mon premier spectacle, « À mon cher moi » (mise en scène de Michèle Laroque. Name droping !), que j’ai joué au Point Virgule et à la Comédie des Trois Bornes. Il y avait tout dedans : les angoisses, l’autodérision, la mort, le cul, l’amour, des expériences inavouables et une bonne chute. C’était vraiment bien ficelé.
Quand on bosse avec des gens de qualité, les histoires ratées ne vont pas plus loin que le foutage de gueule collectif.
A l’inverse, parle nous d’un gros ratage ?
Des histoires ratées, j’en ai un milliard dans les tiroirs et les recoins de ma tête. Mais jusqu’à maintenant ,il y a toujours eu des bonnes âmes ou des anges gardiens pour m’éviter de les livrer publiquement. Quand on bosse avec des gens de qualité, les histoires ratées ne vont pas plus loin que le foutage de gueule collectif. On les remise dans sa culotte et on passe à autre chose.
On a souvent tendance à ouvrir une page, écrire le nom et le prénom du personnage, son âge, son métier, puis on déroule son enfance en imaginant des trucs, puis ses rencontres, etc. À la fin, on a une belle page avec un personnage dont on ne sait pas quoi faire…
Comment construit-on un bon personnage ? De quoi pars-tu ?
Je pars de ses émotions et de ses interactions avec les autres protagonistes, jamais de son CV ! On a souvent tendance à ouvrir une page, écrire le nom et le prénom du personnage, son âge, son métier, puis on déroule son enfance en imaginant des trucs, puis ses rencontres, etc. À la fin, on a une belle page avec un personnage dont on ne sait pas quoi faire…
Aujourd’hui, je fais l’inverse, je commence par décider quel est son rôle dans l’histoire, quels sentiments il va véhiculer et ce que sa présence va apporter à la transformation du héros. S’il ne sert à rien, pas la peine de créer sa fiche de poste. Et il est important de créer ses émotions par rapport au héros mais aussi avec les personnages secondaires.
Pour prendre un exemple, j’aime bien la définition des personnages dans le film d’animation « Vice Versa ». Tristesse, colère, joie, etc, sont des définitions grossières mais, au moins, on comprend vite qui est qui et sa relation aux autres. C’est un peu sur ce principe que je crée mes personnages.
Une astuce pour qu’un dialogue sonne juste ?
Il faut écrire vite, comme quand on parle dans la vie. Pas de dialogue plus long que trois phrases sinon le comédien ne pourra pas les apprendre et ça va retarder le tournage ! Sérieusement, il faut du rythme, des silences (on oublie trop souvent les silences qui en disent long…) et de la vérité. Chaque mot bizarre éloigne le spectateur de la réalité du dialogue. Personne ne dit « cependant » ou « c’est ainsi » dans un dialogue de la vie. Il faut donc se coller au réel le plus possible.
La scène, le dialogue ou le texte que tu as eu le plus de mal à écrire ?
L’écriture dans son ensemble est un texte qu’on a du mal à écrire. Mais il survient toujours ce petit moment de folie où tout soudainement prend du sens, s’imbrique et s’aligne pour parvenir au but.
La dernière bonne histoire que tu as lue, vue ou entendue ?
L’histoire d’un mec qui s’était suicidé d’une flèche dans le dos. Un truc pas net…
(vanne tirée du film « Fletch aux trousses » que les moins de trente ans ne peuvent pas connaître)
A l’inverse, la dernière fois que tu as été accroché par la promesse d’une histoire ou par un pitch et qu’au final, tu as été déçu ?
Avant d’aller voir Passengers, je me réjouissais du pitch. Voici le pitch : « Le Starship Avalon est un vaisseau spatial faisant route vers une lointaine planète colonisée. À son bord, plus de 5 000 passagers sont en sommeil dans des capsules d’hibernation, pour ce voyage d’une durée de 120 ans. L’un des tubes connait un problème et réveille son occupant, Jim Preston, 90 ans trop tôt… » Pas mal non ? Le résultat est une bouse. Le héros ne provoque pas d’empathie. C’est un con. Les enjeux sont maigres. Le fin est courue d’avance. Avec aucun personnage secondaire digne de ce nom et aucune morale ou au moins un pseudo message. Il ne se passe rien. Hyper déçu.
Le meilleur conseil d’écriture que tu as reçu ?
Il y a longtemps, un pote m’avait demandé quel était mon rêve dans la vie. Je lui avais répondu que je rêvais de devenir écrivain. Il m’avait alors dit « Et bien écris ! ». Pas mal non ?
Sérieusement, à chaque fois que je suis trop dans le fantasme, dans la posture, dans l’attente du résultat ou du rêve de gloire, je repense à cette évidence. D’abord, commence par écrire, phrase par phrase, page après page… Ensuite, tu pourras te rêver quelqu’un.
Un grand classique classique recommandé ci-dessous
Le livre qu’il faut absolument avoir lu pour comprendre comment bien raconter une histoire ?
Pour les débutants, il y a un passage obligé c’est « Le héros aux mille et un visages » de Joseph Campbell. Il faut l’acheter mais surtout il faut le lire, et le relire. Ensuite, je vous conseille de regarder le film « Voyage au bout de l’enfer » de Michael Cimino. Ce film est à lui seul la somme de toutes les règles du storytelling. Transformations, personnages secondaires, symboliques, variété des émotions, etc. Du pur génie. Et enfin pour se mettre à la tête à l’envers et tout oublier de toutes les règles, il faut essayer de lire « Finnegans wake » de James Joyce. Celui qui y parvient, je lui paie une mousse.
Le scénariste que tu admires par-dessus tout ?
Les Monty Python. Désolé, j’aurais voulu dire Audiard, Astier, les Nuls ou Gotlib, que je surkiffe pour mille raisons, mais les Monty Python sont à l’origine de ma vocation alors je leur rends hommage dès que c’est possible. Peut-on dire qu’ils sont scénaristes ? Oui, entre autres.
L’absurde de l’humour anglais est un bain de jouvence dans lequel je n’oublie pas de me replonger quand je sens que mon écriture devient trop technique.
L’histoire qui m’a influencée ou que j’aurais aimé avoir écrite (et pourquoi ?)
Il s’agit donc de « Monty Python Sacré Grââl », film que j’ai vu à treize ans et qui a changé ma vie. Certains veulent devenir pompiers ou pilotes, moi je voulais devenir chevalier avec une noix de coco. Le jour où j’ai vu ce film, j’ai su que je voudrais faire ça plus tard. Je ne savais pas exactement quoi, et je cherche encore d’ailleurs, mais c’était ça ! J’aurais aimé l’écrire car cette histoire n’a ni queue ni tête et renverse toutes les règles du storytelling. L’absurde de l’humour anglais est un bain de jouvence dans lequel je n’oublie pas de me replonger quand je sens que mon écriture devient trop technique. Notamment en terme de transformation du personnage ; autant dire que les Monty Python en ont strictement rien à faire…
Celle que je conseille ou que j’offre régulièrement ?
J’offre le livre « Sublimes paroles et idioties » de Nasr Eddin Hodja aux gens que j’aime bien. Un recueil de textes délicieux, absurdes, grivois, insolents, comme rarement on en a écrits. Vraiment savoureux et facile à lire. Là encore, la part du scénariste est inexistante, c’est de la pure création sans ordre ni loi. Du pur plaisir.
Son premier album Ce n’est pas toi que j’attendais, récit autobiographique sur son chemin vers sa petite fille trisomique, a rencontré un grand succès critique et public. Fabien a également participé à plusieurs collectifs BD : Les autres gens, We are The 90’s ou Axolot 2. On peut l’apercevoir dans la presse, dans le magazine BD Psikopat, dans l’hebdo Spirou au sein de l’atelier Mastodonte ou dans Lanfeust Mag avec une série de récits courts nommée « Heureux qui comme Alex ». En parallèle, il travaille dans l’illustration jeunesse et de communication.
Son nouvel album Les deux vies de Baudouin, une réflexion sur « ce que c’est de vivre vraiment » qui constitue son premier roman graphique de fiction, est sorti aujourd’hui, le 15 février 2017.
(DISCLAIMER : tout comme Davy Mourier, Fabien est un pote qui a immédiatement accepté d’essuyer les plâtres de cette série d’articles. Je suis également l’éditeur de ses albums chez Delcourt suite à notre première rencontre dans un speed-dating auteur-éditeur qu’il raconte un peu plus bas. Et oui, dans les prochains portraits, il y aura des gens que je n’édite pas.)
Oui, Fabien est beau gosse (sublimé ici par le talent de la super photographe Chloé Vollmer-Lo)
Là, tout de suite, sur quoi écris-tu ?
Je travaille sur plusieurs choses en parallèle. J’aime bien pouvoir alterner et passer d’un projet à l’autre. En ce début d’année, ce qui occupe l’essentiel de mon temps, en plus de la presse et des commandes d’illustration, c’est :
Une BD en partenariat avec le festival Lyon BD et le Musée des Confluences de Lyon, à paraître en juin 2017. Elle fera écho à une importante exposition sur le poison qui s’y tiendra « Venenum, un monde empoisonné). On y abordera le sujet sous différents angles scientifiques et historiques : les grands empoisonneurs, les différentes formes de poisons, les animaux venimeux…
Une BD à paraître chez Delcourt en 2018. J’y raconterai l’histoire vraie d’une famille de réfugiés syriens venus s’installer en France. Il s’agit d’un témoignage que je recueille depuis plusieurs semaines et que je retranscris en BD. C’est un exercice à la fois bouleversant et passionnant.
Tes premiers souvenirs d’écriture ?
Il n’y a pas si longtemps encore, je me voyais plus comme un dessinateur que comme un scénariste. Depuis tout petit, ce que j’aimais c’était le dessin et on me répétait que je dessinais bien. Quand je faisais des BD à l’école, je n’écrivais rien, je dessinais. L’histoire venait au fur et à mesure. L’important, c’était qu’il y ait des cow-boys, des indiens, des chevaux, de la castagne… ça suffisait à mon bonheur !
En 2009, j’ai commencé à me mettre un peu plus sérieusement à la BD. J’étais d’ailleurs tellement persuadé de n’être que dessinateur que je ne faisais rien sans m’adjoindre un scénariste. Assez mauvais à l’école en matières littéraires, je m’étais bêtement dit que je n’avais sans doute pas le niveau pour raconter des histoires. Heureusement, peut-être, j’ai commencé à sentir que le dessin n’était finalement pour moi qu’un aspect de ce que j’avais envie de faire et de dire. Et sans doute pas le plus important.
Aujourd’hui, je ressens plus de plaisir dans l’exercice du scénario que dans celui du dessin qui n’est pour moi que la conclusion d’un projet, et non son cœur.
D’où est venue l’envie d’écrire ?
Je crois que le déclencheur a été ma contribution à un concours de BD, un an plus tard. J’y participais avec un scénariste qui m’a lâché en cours de route et j’ai dû terminer l’histoire tout seul. Ce n’était pas évident car j’avais la « contrainte » de ce qu’il avait déjà mis en place. Je devais trouver une fin cohérente. J’ai adoré l’exercice, même si je n’ai pas gagné. Je me suis donc dit que je pouvais écrire moi-même mes propres histoires, ça m’a donné confiance. J’ai commencé par des récits courts et des gags, en particulier pour le Psikopat. Et je me suis rendu compte que j’adorais ça. Penser une histoire, l’écrire, la mettre en scène… Aujourd’hui, je ressens plus de plaisir dans l’exercice du scénario que dans celui du dessin qui n’est pour moi que la conclusion d’un projet, et non son cœur comme je l’envisageais avant.
Quand t’es-tu senti professionnel ?
Ça s’est fait très doucement. En 2009, je suis revenu m’installer en France (à l’époque, je vivais au Brésil où je travaillais dans un bureau d’études en bâtiment). J’avais pour but, justement, d’essayer de faire de la BD, mon rêve de gamin. Ingénieur dans la journée, je réalisais mes récits courts, mes gags et mes illustrations, le soir après le boulot. Au début, c’était évidemment sans rémunération, juste pour le plaisir de dessiner.
Et puis, au fur et à mesure, j’ai progressé et la presse BD a commencé à me publier et à me payer. Pas suffisamment pour en vivre, bien sûr, mais je l’ai vu comme un encouragement. Cela m’a motivé à m’accrocher. Enchaîner des heures de dessin après une journée de boulot, ce n’était pas évident. Et puis en 2012, je suis allé au festival d’Angoulême pour montrer ce que je faisais à des éditeurs. Je n’avais pas vraiment de projet, je voulais surtout un retour de professionnels sur mon travail.
Pour moi, la sensation d’être professionnel n’est pas liée au revenu mais au fait que ce soit une activité qui occupe l’essentiel de mon temps.
Aux Zooportunités, j’ai rencontré un certain Yannick Lejeune, éditeur Delcourt, qui a eu l’air de bien aimer mes dessins. On a discuté rapidement de mes projets éventuels. Il en a balayé quelques-uns plutôt humoristiques en me demandant si je n’avais pas plutôt « une histoire qui me tenait à cœur ». Je lui ai expliqué que j’avais une idée de livre, sans pour autant que cela soit un vrai projet à ce stade : raconter la naissance de ma deuxième fille, née avec une trisomie non détectée pendant la grossesse. C’est devenu « Ce n’est pas toi que j’attendais ». J’ai bossé deux ans dessus le soir après le boulot. Et le livre est sorti en 2014. L’album a été très bien accueilli tant par la critique que le public. Cela m’a apporté une petite visibilité qui m’a permis d’enchaîner avec d’autres projets, de livres ou pour la presse, et d’être sollicité pour des commandes…
Petit à petit, j’ai lâché mon emploi d’ingénieur pour passer mes journées à dessiner et à écrire. Je dirais que, pour moi, la sensation d’être professionnel n’est pas liée au revenu mais au fait que ce soit une activité qui occupe l’essentiel de mon temps, de mes journées. Et je suis dans cette situation depuis presque deux ans.
Extrait de la série « Heureux qui comme Alex », une légère mise en abîme.
Est-ce qu’il y a des thèmes récurrents dont ton œuvre ?
Pour le moment mon « œuvre » est relativement succincte mais je me rends compte que les sujets qui m’intéressent sont liés à l’humain, aux trajectoires de vie. D’une façon générale, je suis assez passionné par la vie des gens, j’adore écouter leur parcours, le pourquoi de leurs choix, s’ils sont heureux. Même dans les vies apparemment « simples » ou banales, je vois des choses passionnantes… Dans une conversation, je vais avoir tendance à écouter les gens plutôt qu’à me raconter. Ça correspond finalement assez bien à la façon dont je me vois en tant qu’auteur. Même si c’est moi que j’ai raconté dans « Ce n’est pas toi que j’attendais ».
Davy Mourier est scénariste et dessinateur de BD. Il est également comédien et auteur de sketchs pour des vidéos Internet, et fait de la scène dans des one-man shows qu’il écrit lui-même. Pour la télévision, il travaille avec le Studio 4 de France Télévision sur la série Reboot en prise de vue réelle, co-écrite avec Lewis Trondheim, et le dessin animé La Petite Mort qu’il scénarise avec l’aide de Marie de Banville.
En 2016, Davy Mourier a publié « quelques » albums : Loup-Phoque et La Petite Morte, dessinés par lui-même, Relation Cheap avec Elosterv, Super Caca avec Stan Silas, et Dieu n’aime pas Papa avec Camille Moog (DISCLAIMER : je suis l’éditeur de cet album). Il a également participé au collectif BD « We are the 90’s », « où l’on peut le voir en photo à l’âge de 18 ans » me demande-t-il de préciser.
Egalement parolier, graphiste, animateur de télévision, Davy est un « slasher » qui aime raconter des histoires quel qu’en soit le support. C’est aussi un pote. C’était donc normal de démarrer cette série de portraits avec lui.
Là, tout de suite, sur quoi tu écris ?
En ce moment, je travaille sur plein de projets différents et c’est vraiment cool. En mars, j’intègre avec bonheur le journal Fluide Glacial, le magazine de mes premières érections s’il vous plait, avec une BD sur Dieu très irrévérencieuse : Y a pas de miracle. C’est le projet sur lequel j’ai planché ces derniers jours, notamment mardi pendant que j’attendais mon RDV aux urgences proctologiques (true story).
Mercredi, j’ai validé un storyboard de Dav qui travaille sur une BD que j’ai scénarisée tirée de l’univers des As de la jungle. Hier, on a revu la trame scénaristique de la série Reboot avec Lewis Trondheim via FaceTime. Se voir, c’est toujours mieux pour inventer que le seul téléphone. Et jeudi dernier, j’ai aidé Eléonore Costes à écrire un premier sketch qu’elle va bientôt jouer sur scène, elle avait déjà écrit le corps du sketch et je suis juste venu ajouter des vannes et proposer quelques pistes en plus.
Tes premiers souvenirs d’écriture ?
J’ai toujours écrit mais sans m’en rendre compte. Ma première BD date du CP. J’avais inventé les aventures de « l’épée », un chevalier qui avait une épée avec une lame en flamme qui pouvait rentrer dans son manche. Oui, j’avais vu Star Wars.
J’étais persuadé que j’étais soit un dessinateur, soit un humoriste. Je n’avais jamais fait attention à l’idée que le point commun de tout ça, c’était des histoires racontées. Je crois que je n’ai conscience d’être auteur que depuis 2-3 ans.
Je crois que je n’ai conscience d’être auteur que depuis 2-3 ans.
D’où est venue l’envie ?
Le névrosé obsessionnel que je suis a besoin de pouvoir maîtriser les événements de la vie. L’imaginaire est un endroit bienveillant et chaud dans lequel on est dieu. On maîtrise tout. C’est une fuite et un besoin. Quand je perds le contrôle dans la réalité, j’écris pour me donner la sensation de pouvoir influencer la réalité.
Aujourd’hui, je gagne ma vie grâce à ce que j’écris… On va dire que, quelque part, ça marche un peu : j’influe sur ma réalité.
Quand t’es-tu senti professionnel ?
Question très compliquée. Comment savoir à quel moment tu passes d’amateur à professionnel ? Tu ne reçois pas de lettre, ou de diplôme. Facebook ne te propose pas automatiquement de changer ton statut. Je ne sais même pas si on peut se dire professionnel après avoir édité une BD. Refaisons un peu l’historique de ma vie… Rapidement hein 🙂
J’ai commencé à écrire des BD en primaire. Je crois qu’on peut dire que j’étais amateur. J’ai écrit des sketchs vidéos au collège, je crois qu’on peut dire que j’étais amateur, ma vanne sur le caca cola ne trouvant pas acheteur. Des années plus tard avec Poulpe et Didier Richard, on a écrit NerdZ, une web série qui a trouvé un producteur lors de la saison 3 en la personne d’Ankama. Donc, là on serait tenté de dire que je suis devenu pro à ce moment-là. Mais, non. Parce que je ne gagnais pas ma vie en écrivant à l’époque. J’ai sorti 2 BD en 2009 mais le tout était encore trop amateur dans la forme et le fonctionnement.
Je pense que je suis professionnel depuis le Golden Show écrit avec Monsieur Poulpe et François Descraques. On était payés pour sortir tous les mois 26 minutes de sketchs. La récurrence du paiement m’a donné le sentiment d’enfin faire ce travail.
Est-ce qu’il y a des thèmes récurrents dont ton œuvre ?
Alors, forcément on ne s’en rend pas compte tout de suite hein, heureusement d’ailleurs. Mais oui comme tous les auteurs, j’ai mes lubies. Les gens qui connaissent mon travail auraient tendance à répondre rapidement que tout tourne autour de la dépression et de la mort en plus des blagues sur le caca. Mais, ça, c’est la face visible de l’iceberg.
En vrai, mes BD et mes séries parlent de déterminisme social, toujours, tout le temps. Je suis obnubilé par ce truc. Surement parce que je suis ardéchois et que pendant 5 ans, j’ai été fonctionnaire de mairie comme mon père dans la même mairie que lui. Quand tu rêves de faire un travail artistique c’est très dur de savoir si, justement, tu rêves ou si tu en es capable. Es-tu fait pour passer de la norme à la marge ?
Mes BD et mes séries parlent de déterminisme social, toujours, tout le temps.
La Petite Mort parle de ça, quand tes parents sont faucheurs, as-tu le droit de faire un autre métier, fleuriste par exemple ? Dans Reboot, le héros est vendeur de fruits et légumes et on vient lui dire que tout ça c’est faux, qu’en réalité, c’est un robot. Dans Super Caca, on refuse à Luca l’entrée de l’école Imagischool parce que les examens ont révélé qu’il n’avait pas assez d’imagination, mais il force le concours et prouve à tout le monde que lui aussi peu réaliser son rêve.
Je crois que j’ai vraiment eu peur de ne jamais vivre de mon imaginaire, du coup, ça influence la plupart de mes œuvres.
Anecdotes, le derniers spectacle de Davy au Sentier des Halles
Quelle est ta routine de travail ?
Je travaille n’importe quand. Pas d’obligation. Mais je tiens des plannings hyper-complets sur mon mac avec des dates de rendu. Je ne suis jamais en retard parce que la peur de ne pas rendre quelque chose à l’heure fait qu’automatiquement, je me mets à écrire quand il faut. En fait, c’est en interne que la gestion du temps se fait vraiment. Par contre, lorsque je m’oblige à écrire un truc précis, je me retrouve souvent à écrire autre chose.
Quels sont tes outils ?
C’est vaste. Pour mes BD, j’ai des petits cahiers de croquis. Sinon, j’utilise énormément l’outil NOTES de mon iPhone. Je crée des tonnes de notes avec plein d’idées dedans.
Lorsque je travaille avec d’autres auteurs, je crée des Google Doc pour pouvoir travailler à distance, c’est un outil de collaboration fabuleux.
Ton environnement d’écriture préféré :
J’aime écrire dans les transports. Le train étant mon préféré. Je me sens tout seul au milieu des gens, complètement concentré. J’adore.
J’aime écrire lorsque les gens dorment ou regardent à travers la fenêtre du train. Sinon je travaille au milieu de mes étagères de BD, devant la TV, si possible devant un programme un peu nul d’NRJ12… mais surtout jamais en musique. Je ne peux pas écrire quand il y a de la musique.
J’aime écrire lorsque les gens dorment ou regardent à travers la fenêtre du train.
Comment abordes-tu un nouveau projet ?
Il n’y pas une méthode que j’applique à chaque fois. Il y en a plusieurs :
Lorsque j’écris sur un projet où je serai seul à intervenir, j’improvise à fond. En BD, je commence à finaliser des planches alors que je n’ai pas la fin de l’histoire. Je me laisse guider par le flot des idées et c’est « grave bon », ça me met sous adrénaline. On se dit, merde je suis coincé, j’ai dessiné 50 pages et ça ne fonctionne pas, je ne m’en sortirai jamais… et puis pouf, on trouve la solution et on est fier. Souvent, pour ne pas partir complètement dans le vide, j’écris le gag de la page de début, des mots-clés de sujets que je voudrais aborder et une piste pour la fin, ça peut être un seul mot ou un truc très court comme : quelqu’un meurt. Et après pouf c’est parti.
Lorsque j’écris avec un coscénariste, là, c’est plus technique, parce que tu n’as pas le droit d’être bordélique quand tu écris à deux. Donc c’est synopsis, puis synopsis détaillé, puis encore plus détaillé, des bouts de dialogues importants. Ensuite, on décide de qui va écrire les dialogues et c’est parti.
Lorsque j’écris une BD pour un dessinateur. Je travaille un peu comme avec un coscénariste mais en laissant plus de place à l’impro.
J’écris un synopsis, puis un synopsis plus long. Ensuite je prends un Google Doc et je marque le nombre de pages que j’ai dans l’album. Page 1, Page 2, etc… jusqu’à 46. Ensuite, je fais un CTRL-X sur des bouts de phrases de mon synopsis long que je colle sous page 1, page 2, etc.
Ensuite quand j’ai tous les événements qui rentrent dans le bon nombre de pages, je dialogue directement. C’est là où je laisse l’impro prendre de la place. Des fois, ça finit par changer l’album.
Pour toi, quel est l’ingrédient principal d’une bonne histoire ?
Il faut savoir faire rire et savoir faire pleurer. Émouvoir c’est important. Il faut bousculer les sentiments dans la tête du lecteur ou du spectateur.
Il faut de l’amour, de la mort et de la surprise.
Il faut de l’amour, de la mort et de la surprise.
Aujourd’hui, et hors de ta prochaine histoire, de quelle histoire es-tu le plus fier ?
C’est compliqué. Je crois que je suis fier d’une chanson écrite, il y a quelques années qui s’appelle : Alice, Peter et les autres.
Peu de gens ont lu, et encore moins entendu, cette chanson donc ce n’est clairement pas mon œuvre la plus connue, mais ce que j’aime dans cette chanson c’est qu’elle résume ma vie sans fioritures et en très peu de mots.
Quand j’entends ces mots, je me dis qu’ils sont à la bonne place et que leur sonorité fonctionne.
Dans un registre plus connu, j’aime beaucoup mon sketch « J’aime plus » qui fait sourire et fout le cafard en 1 minutes 15. Plus le temps passe et plus j’aime toucher les gens. Comme je le disais, j’aime l’exercice de faire rire et de faire pleurer dans une même œuvre.
A l’inverse, parle nous d’un gros ratage ?
J’ai écrit un sketch pour Golden Moustache qui s’appelle le Non-sens de la vie. Avec une fin ultra violente ou un fœtus se tire une balle dans la tête après avoir vu sa vie future triste et dépourvue d’art. Je ne voyais aucun problème au moment de l’écriture. Les images ont été tournées et le sketch n’a jamais été diffusé parce que le résultat est effectivement ultra violent. Pire, on ne comprend pas du tout mon message, parce qu’après une telle scène il faut un message. Je me suis rendu compte que j’étais trop flou et que le public pouvait y voir tout et n’importe quoi dont un appel au suicide. Ce n’était pas du tout mon intention et on a laissé de côté le sketch. J’ai essayé de revoir le script pour tourner une nouvelle fin… 4 fois !
Et puis finalement, la vidéo est sortie avec une autre fin. C’est bien moins fort que ce que j’avais imaginé au départ.
Comment construit-on un bon personnage ? De quoi pars-tu ?
Je pars de moi. Parce que c’est le matériel que je connais le plus. Ensuite je pars de mes amis proches ou de ma famille. J’injecte un peu de l’un dans un autre et je fabrique mes personnages. Je n’écris jamais de storyline pour les persos. Je décide de leurs qualités et de leurs défauts et je laisse l’histoire les façonner.
Une astuce pour qu’un dialogue ou un texte sonne juste ?
Faut que ce soit beau et que tu aies envie de le relire. J’aime bien les rimes et si ça ne rime pas, il faut quand même que le rythme soit bon. Les belles phrases, les bonnes vannes ont toutes leur rythme. C’est une musique qu’il faut savoir écouter.
Les belles phrases, les bonnes vannes ont toutes leur rythme. C’est une musique qu’il faut savoir écouter.
La scène, le dialogue ou le texte que tu as eu le plus de mal à écrire ?
C’est fou. Je crois qu’on oublie les blocages avec le temps. Je n’arrive pas à me rappeler d’un gros blocage. Pour en prendre un petit, je me suis retrouvé bloqué sur le milieu de la petite mort 3. Je connaissais la fin. J’avais dessiné le début… Mais je n’arrivais pas à relier les deux. Comme je l’ai dit, quand j’écris seul, j’écris de manière désordonnée, parce que j’aime me surprendre, je suis mon premier lecteur. La Petite Mort est écrite en partie à l’impro pour cela. Ma solution a été d’écrire un autre scénario et de laisser ce problème en tâche de fond, la solution est venue toute seule.
La dernière bonne histoire que tu as lue, vue ou entendue ?
C’est une BD de chez Lapin qui m’a été conseillée et offerte par un libraire chez qui je dédicaçais à Dijon : AB Absurdo c’est vraiment très très drôle, pas bête et méchant. Bon après c’est des gags. Sinon, une histoire qui m’a plu dernièrement, Hmm… 3% sur Netflix. On sent le manque de budget mais y a une vraie idée de SF plutôt réaliste avec quelques passages plutôt sympa.
A l’inverse, la dernière fois que tu as été accroché par la promesse d’une histoire ou par un pitch et qu’au final, tu as été déçu ?
Je vais me faire détester par pas mal de gens mais : Stranger Things m’a vraiment déçu. La promesse est belle, la réa est jolie, les comédiens sont cools, les décors et costumes sont juste oufs… et puis… et puis ben… y a pas de scénariste. L’histoire est pas hyper compréhensible, on ne pige pas trop le monstre, les événements sont mal branlés et l’épisode final est vraiment à l’image de tout ça, un soufflet qui retombe sans qu’on ait vraiment compris les tenants et les aboutissants de l’ensemble, un combat tout pourri et un cliff’ tiré par les cheveux.
Arrête de tuer tes personnages à la fin.
Le meilleur conseil d’écriture que tu as reçu ?
Bruno « Navo » Muschio m’a dit : « Arrête de tuer tes personnages à la fin. ».
Je ne l’ai pas écouté mais maintenant, je les tue en ayant conscience que j’aime les tuer.
Le(s) livre(s) qu’il faut absolument avoir lu pour comprendre comment bien raconter une histoire ?
Le guide du scénariste de Christopher Vogler parce que c’est la base de toute aventures qui est expliquée ici. Star Wars, le Seigneur des Anneaux, Vogler explique que pour ses films mythiques la recette est toujours la même. C’est très bon de connaitre tout ça pour essayer de s’en éloigner.
Le scénariste que tu admires par-dessus tout ?
J’hésite. Il y en a beaucoup… Lewis Trondheim, Larcenet, Alexandre Astier, Joss Whedon, Franquin, Goscinny…
Je les aime tous, pour des raisons différentes. Ils m’ont tous ébahi à un moment de ma vie. Celui qui me touche le plus est peut-être bien Larcenet, mais c’est surtout parce que ses névroses trouvent écho dans les miennes. Il sait me faire monter les larmes aux yeux comme personne. Et puis il y a Goscinny, magistral de part sa technique. Il a une mécanique hyper bien huilée et il fait rire à chaque coup. Astérix c’est une leçon, c’est la bande dessinée d’humour dans ce qu’il y a de plus parfait dans le rythme et la blague.
L’histoire que tu aurais aimé avoir écrite ?
On fera avec, justement de Larcenet. Parce que lorsque j’étais dans des bureaux à faire des trucs de bureau et que je rêvais de gagner ma vie en racontant des histoires, J’avais en fond d’écran sur mon ordinateur une page de cette BD, une page qui me rappelait à chaque coup d’œil que je devais me battre pour partir de ce bureau. Tous les jours, j’écrivais des strips ou des sketchs pour un jour faire le métier de mes rêves.
Page issue d’On Fera Avec, de Manu Larcenet, édition Les Rêveurs
Les histoires que tu offres souvent ?
Macanudo : Je suis amoureux de Macanudo de Liniers. En un strip, parfois absurde, parfois tendre, Liniers crée un univers où l’on est immédiatement projeté. Il est d’une efficacité hallucinante. Lire un recueil de strips de Liniers, c’est sourire, penser, se remettre en question, re-rire, 3 fois par pages. Chaque strip est une histoire.
Le combat ordinaire : Parce que Larcenet a su raconter la vie et les gens qui la peuplent d’une manière très poétique.
On fera avec : Déjà dit et parce que Larcenet raconte le passage à l’âge adulte d’une manière féroce.
Le pays des trois sourires : Parce que Trondheim nous entraine dans une aventure anodine qui devient de plus en plus énorme jusqu’à devenir une des plus belles fins de bande dessinée formée de strips.
Le trop grand vide d’Alphonse tabouret : C’est une histoire magnifique sur la naïveté de l’enfance.
J’offre ces BD parce qu’elles m’ont remué et donné envie de me mettre à raconter moi aussi des histoires et d’essayer d’en faire des aussi jolies.
Si c’était possible, qui voudrais-tu voir répondre à ce questionnaire ?
Lewis Trondheim, Navo, Alexandre Astier, Larcenet, Liniers, Joss Whedon