Fabien Toulmé est scénariste et dessinateur.
Son premier album Ce n’est pas toi que j’attendais, récit autobiographique sur son chemin vers sa petite fille trisomique, a rencontré un grand succès critique et public. Fabien a également participé à plusieurs collectifs BD : Les autres gens, We are The 90’s ou Axolot 2. On peut l’apercevoir dans la presse, dans le magazine BD Psikopat, dans l’hebdo Spirou au sein de l’atelier Mastodonte ou dans Lanfeust Mag avec une série de récits courts nommée « Heureux qui comme Alex ». En parallèle, il travaille dans l’illustration jeunesse et de communication.
Son nouvel album Les deux vies de Baudouin, une réflexion sur « ce que c’est de vivre vraiment » qui constitue son premier roman graphique de fiction, est sorti aujourd’hui, le 15 février 2017.
(DISCLAIMER : tout comme Davy Mourier, Fabien est un pote qui a immédiatement accepté d’essuyer les plâtres de cette série d’articles. Je suis également l’éditeur de ses albums chez Delcourt suite à notre première rencontre dans un speed-dating auteur-éditeur qu’il raconte un peu plus bas. Et oui, dans les prochains portraits, il y aura des gens que je n’édite pas.)

Là, tout de suite, sur quoi écris-tu ?
Je travaille sur plusieurs choses en parallèle. J’aime bien pouvoir alterner et passer d’un projet à l’autre. En ce début d’année, ce qui occupe l’essentiel de mon temps, en plus de la presse et des commandes d’illustration, c’est :
- Une BD en partenariat avec le festival Lyon BD et le Musée des Confluences de Lyon, à paraître en juin 2017. Elle fera écho à une importante exposition sur le poison qui s’y tiendra « Venenum, un monde empoisonné). On y abordera le sujet sous différents angles scientifiques et historiques : les grands empoisonneurs, les différentes formes de poisons, les animaux venimeux…
- Une BD à paraître chez Delcourt en 2018. J’y raconterai l’histoire vraie d’une famille de réfugiés syriens venus s’installer en France. Il s’agit d’un témoignage que je recueille depuis plusieurs semaines et que je retranscris en BD. C’est un exercice à la fois bouleversant et passionnant.
Tes premiers souvenirs d’écriture ?
Il n’y a pas si longtemps encore, je me voyais plus comme un dessinateur que comme un scénariste. Depuis tout petit, ce que j’aimais c’était le dessin et on me répétait que je dessinais bien. Quand je faisais des BD à l’école, je n’écrivais rien, je dessinais. L’histoire venait au fur et à mesure. L’important, c’était qu’il y ait des cow-boys, des indiens, des chevaux, de la castagne… ça suffisait à mon bonheur !
En 2009, j’ai commencé à me mettre un peu plus sérieusement à la BD. J’étais d’ailleurs tellement persuadé de n’être que dessinateur que je ne faisais rien sans m’adjoindre un scénariste. Assez mauvais à l’école en matières littéraires, je m’étais bêtement dit que je n’avais sans doute pas le niveau pour raconter des histoires. Heureusement, peut-être, j’ai commencé à sentir que le dessin n’était finalement pour moi qu’un aspect de ce que j’avais envie de faire et de dire. Et sans doute pas le plus important.
Aujourd’hui, je ressens plus de plaisir dans l’exercice du scénario que dans celui du dessin qui n’est pour moi que la conclusion d’un projet, et non son cœur.
D’où est venue l’envie d’écrire ?
Je crois que le déclencheur a été ma contribution à un concours de BD, un an plus tard. J’y participais avec un scénariste qui m’a lâché en cours de route et j’ai dû terminer l’histoire tout seul. Ce n’était pas évident car j’avais la « contrainte » de ce qu’il avait déjà mis en place. Je devais trouver une fin cohérente. J’ai adoré l’exercice, même si je n’ai pas gagné. Je me suis donc dit que je pouvais écrire moi-même mes propres histoires, ça m’a donné confiance. J’ai commencé par des récits courts et des gags, en particulier pour le Psikopat. Et je me suis rendu compte que j’adorais ça. Penser une histoire, l’écrire, la mettre en scène… Aujourd’hui, je ressens plus de plaisir dans l’exercice du scénario que dans celui du dessin qui n’est pour moi que la conclusion d’un projet, et non son cœur comme je l’envisageais avant.
Quand t’es-tu senti professionnel ?
Ça s’est fait très doucement. En 2009, je suis revenu m’installer en France (à l’époque, je vivais au Brésil où je travaillais dans un bureau d’études en bâtiment). J’avais pour but, justement, d’essayer de faire de la BD, mon rêve de gamin. Ingénieur dans la journée, je réalisais mes récits courts, mes gags et mes illustrations, le soir après le boulot. Au début, c’était évidemment sans rémunération, juste pour le plaisir de dessiner.
Et puis, au fur et à mesure, j’ai progressé et la presse BD a commencé à me publier et à me payer. Pas suffisamment pour en vivre, bien sûr, mais je l’ai vu comme un encouragement. Cela m’a motivé à m’accrocher. Enchaîner des heures de dessin après une journée de boulot, ce n’était pas évident. Et puis en 2012, je suis allé au festival d’Angoulême pour montrer ce que je faisais à des éditeurs. Je n’avais pas vraiment de projet, je voulais surtout un retour de professionnels sur mon travail.
Pour moi, la sensation d’être professionnel n’est pas liée au revenu mais au fait que ce soit une activité qui occupe l’essentiel de mon temps.
Aux Zooportunités, j’ai rencontré un certain Yannick Lejeune, éditeur Delcourt, qui a eu l’air de bien aimer mes dessins. On a discuté rapidement de mes projets éventuels. Il en a balayé quelques-uns plutôt humoristiques en me demandant si je n’avais pas plutôt « une histoire qui me tenait à cœur ». Je lui ai expliqué que j’avais une idée de livre, sans pour autant que cela soit un vrai projet à ce stade : raconter la naissance de ma deuxième fille, née avec une trisomie non détectée pendant la grossesse. C’est devenu « Ce n’est pas toi que j’attendais ». J’ai bossé deux ans dessus le soir après le boulot. Et le livre est sorti en 2014. L’album a été très bien accueilli tant par la critique que le public. Cela m’a apporté une petite visibilité qui m’a permis d’enchaîner avec d’autres projets, de livres ou pour la presse, et d’être sollicité pour des commandes…
Petit à petit, j’ai lâché mon emploi d’ingénieur pour passer mes journées à dessiner et à écrire. Je dirais que, pour moi, la sensation d’être professionnel n’est pas liée au revenu mais au fait que ce soit une activité qui occupe l’essentiel de mon temps, de mes journées. Et je suis dans cette situation depuis presque deux ans.

Est-ce qu’il y a des thèmes récurrents dont ton œuvre ?
Pour le moment mon « œuvre » est relativement succincte mais je me rends compte que les sujets qui m’intéressent sont liés à l’humain, aux trajectoires de vie. D’une façon générale, je suis assez passionné par la vie des gens, j’adore écouter leur parcours, le pourquoi de leurs choix, s’ils sont heureux. Même dans les vies apparemment « simples » ou banales, je vois des choses passionnantes… Dans une conversation, je vais avoir tendance à écouter les gens plutôt qu’à me raconter. Ça correspond finalement assez bien à la façon dont je me vois en tant qu’auteur. Même si c’est moi que j’ai raconté dans « Ce n’est pas toi que j’attendais ».