Vinvin est auteur parce qu’auteur, « c’est comme un écrivain, mais qui n’aurait pas encore écrit de livre ». Mais ça ne saurait tarder.
Son pseudo, les gens pensent que c’est un petit surnom crétin pour Vincent. Mais son vrai nom, c’est Cyrille (avec deux L) de Lasteyrie du Saillant, rien à voir, même si ça claque. En fait, Vinvin, ça vient de son premier blog ouvert en 2004 et qui s’intitulait 20/20 parce qu’il y notait tous les trucs de la vie sur 20.
Vinvin est pro du storytelling. C’est notamment l’un des associés fondateurs de Storycircus, la société qui produit notamment « DataGueule » et les « Recettes Pompettes » (prod exécutive). Il donne également des conférences sur l’intelligence artificielle et sur comment on va tous se faire bouffer par les robots. Et aussi des conférences sur la créativité et la prise de risques ,notamment au TEDx Paris dont il est un pilier. Passionné de web, il a également présenté Le grand webzé et le Vinvinteur sur France 5.
De temps en temps, pas assez à son goût, il joue la comédie, sur scène (A mon cher moi et Il est où le bonheur ? DTC) ou dans des web séries, dont il écrit les textes.
Le reste du temps, il habite « à l’ouest ». Et puis, il écrit, écrit et écrit des trucs et des machins.
Là, tout de suite, sur quoi écris-tu ?
Mon livre « Et pourquoi pas ! » dont je viens de finir le financement sur Ulule, sortira en avril/mai. Et, du coup, je pourrai peut-être dire « écrivain ». Enfin non, je ne crois pas, je ne suis pas prêt. C’est un recueil de plus d’une centaine de textes dans lesquels je parle de tout et de rien, absolument en vrac. Dans le livre, grâce au large dépassement du financement initial, je vais pouvoir faire bosser une dizaine d’illustrateurs qui viendront s’immiscer dans le texte. Un rêve de gosse… On va chanter aussi, avec tous les gens qui ont choisi cette contrepartie, un truc du genre « We are the world » avec des casques et des attitudes profondément généreuses.
Je bosse également sur un sketch qu’on aimerait tourner pour le web, un truc avec des gens dedans. Ce serait drôle et émouvant à la fois, un peu comme un long métrage mais en plus court. Il y aurait des répliques, un décor, des techniciens qu’on ne verrait pas dans l’image sinon ça ferait amateur…
Tes premiers souvenirs d’écriture ?
J’ai commencé à écrire quand j’ai eu l’âge de tenir un stylo. Mais j’ai commencé par le dessin. J’ai gardé toutes mes premières histoires à base d’indiens et de cowboys. Je note que quand on est petit, on dessine des zizis aux messieurs. Comme pour être bien sûr de ce qu’on dessine. Ceci dit, quand je regarde les dessins où je représentais des femmes, on les reconnaissait grâce à leurs cheveux longs en forme de bâtons. Bizarre.
D’où est venue l’envie d’écrire ?
Parce que j’étais fils unique et qu’il fallait bien que je m’invente des histoires sous peine de me tirer une balle avant d’avoir atteint l’âge de raison. Je vidais mon coffre à jouets de tous ses jouets et je m’asseyais au fond du coffre avec un cahier. Et j’écrivais.
Quand t’es-tu senti professionnel ?
J’ai commencé dans le marketing direct en écrivant des prospectus publicitaires pour les Editions Atlas. Les aventures de Barbie en 50 fiches ou l’histoire de l’Egypte avec une trousse à gagner et un taille crayons Nefertiti. Des collections pour pas cher que les mecs fabriquaient seulement s’ils avaient plus de 3000 couillons pour les commander : super rentable. J’ai fait ça trois ans, avant de menacer de faire sauter l’immeuble. Ils m’ont muté aux catalogues de vacances.
Est-ce qu’il a des thèmes récurrents dont ton œuvre ?
La mort, qui rôde, jamais très loin. Et donc l’urgence de vivre à fond.

Quelle est ta routine de travail ?
Je me réveille super tôt, autour de 5h30. Tout en restant au lit, je fais un petit quart d’heure de réseaux sociaux, histoire de voir l’état délabré du monde. Ensuite, j’envoie quelques mails pros et prépare des rdv. Vers 6h00, je me mets à écrire jusqu’à 7h. Interruption petit déjeuner, enfants, douche et je reprends ma vie vers 8h, toujours sur mon lit, jusqu’au déjeuner. L’après-midi, j’écris à mon bureau, assis droit et concentré, avec des musiques sans parole, sinon ça fait des interférences dans la tête. Après 18h, je ne suis plus bon à rien pour l’écriture. Je règle les affaires courantes et autres récréations jusqu’à la nuit. En gros, je suis super créatif le matin, et plutôt besogneux l’après-midi. Mais les deux séquences cohabitent harmonieusement et sont indispensables.
Quels sont tes outils ?
J’écris toutes mes idées en vrac sur des cahiers en tous genres. Mais toujours avec un stylo plume Lamy fantastique que j’ai depuis 5 ans et qui n’a pas bougé. J’en ai acheté un de secours, comme les parents qui achètent un doudou en double mais qui ne servira jamais car il ne sent pas la salive mouillée… Bref. Quand je sens que ça vient et que j’ai les bases d’une histoire, je passe direct sur ordi avec Pages (Mac). Quand j’écris du scénario à dialogues, j’utilise Final Draft, hyper pratique pour gagner 50% de temps sur la mise en page.
J’écris en une heure dans un café ce que j’écris en quatre heures chez moi.
Ton environnement d’écriture préféré ?
Si je suis à la maison, j’écris allongé sur mon lit avec ordi sur les genoux et pas de musique. Mais je préfère vraiment écrire dans un café. Plus il y a de monde et de bruit, plus je suis concentré et précis. J’écris en une heure dans un café ce que j’écris en quatre heures chez moi.
Comment abordes-tu un nouveau projet ?
Je ne commence pas vraiment à écrire tant que je n’ai pas une idée assez précise de la fin. Il faut boucler une boucle, et donc partir à l’aveugle, c’est bien, c’est excitant, mais souvent, on n’arrive nulle part ou alors c’est super laborieux. En gros, je pars d’une idée du genre « le mec arrive dans le bar, il est tout beau et prétentieux, et il repartira à poil avec une citrouille dans le cul » (c’est un exemple). Et ensuite je déroule. C’est important de visualiser une bonne chute avant de commencer la première phrase. L’improvisation, c’est comme un état de grâce qu’on atteint parfois quand on écrit. On ne voit pas le temps passer, ça flotte et les phrases s’enchaînent. A la fin, on regarde son texte en se disant qu’il s’est passé un truc. J’adore ces moments-là, c’est pour ces moments que j’écris.
Pour toi, quel est l’ingrédient principal d’une bonne histoire ?
La transformation du héros. C’est classique mais c’est capital. Il faut que le héros traverse quelque chose de fort sinon on s’ennuie. Il faut un enjeu, des questions qui se posent, des conséquences fortes sur son destin. J’aime bien assister à ces transformations. Ensuite, il faut un dosage entre le rire et le sérieux. J’aime bien le rythme varié de ces émotions.
Aujourd’hui, et hors de ta prochaine création, de quelle histoire es-tu le plus fier ?
C’est le texte de mon premier spectacle, « À mon cher moi » (mise en scène de Michèle Laroque. Name droping !), que j’ai joué au Point Virgule et à la Comédie des Trois Bornes. Il y avait tout dedans : les angoisses, l’autodérision, la mort, le cul, l’amour, des expériences inavouables et une bonne chute. C’était vraiment bien ficelé.
Quand on bosse avec des gens de qualité, les histoires ratées ne vont pas plus loin que le foutage de gueule collectif.
A l’inverse, parle nous d’un gros ratage ?
Des histoires ratées, j’en ai un milliard dans les tiroirs et les recoins de ma tête. Mais jusqu’à maintenant ,il y a toujours eu des bonnes âmes ou des anges gardiens pour m’éviter de les livrer publiquement. Quand on bosse avec des gens de qualité, les histoires ratées ne vont pas plus loin que le foutage de gueule collectif. On les remise dans sa culotte et on passe à autre chose.
On a souvent tendance à ouvrir une page, écrire le nom et le prénom du personnage, son âge, son métier, puis on déroule son enfance en imaginant des trucs, puis ses rencontres, etc. À la fin, on a une belle page avec un personnage dont on ne sait pas quoi faire…
Comment construit-on un bon personnage ? De quoi pars-tu ?
Je pars de ses émotions et de ses interactions avec les autres protagonistes, jamais de son CV ! On a souvent tendance à ouvrir une page, écrire le nom et le prénom du personnage, son âge, son métier, puis on déroule son enfance en imaginant des trucs, puis ses rencontres, etc. À la fin, on a une belle page avec un personnage dont on ne sait pas quoi faire…
Aujourd’hui, je fais l’inverse, je commence par décider quel est son rôle dans l’histoire, quels sentiments il va véhiculer et ce que sa présence va apporter à la transformation du héros. S’il ne sert à rien, pas la peine de créer sa fiche de poste. Et il est important de créer ses émotions par rapport au héros mais aussi avec les personnages secondaires.
Pour prendre un exemple, j’aime bien la définition des personnages dans le film d’animation « Vice Versa ». Tristesse, colère, joie, etc, sont des définitions grossières mais, au moins, on comprend vite qui est qui et sa relation aux autres. C’est un peu sur ce principe que je crée mes personnages.
Une astuce pour qu’un dialogue sonne juste ?
Il faut écrire vite, comme quand on parle dans la vie. Pas de dialogue plus long que trois phrases sinon le comédien ne pourra pas les apprendre et ça va retarder le tournage ! Sérieusement, il faut du rythme, des silences (on oublie trop souvent les silences qui en disent long…) et de la vérité. Chaque mot bizarre éloigne le spectateur de la réalité du dialogue. Personne ne dit « cependant » ou « c’est ainsi » dans un dialogue de la vie. Il faut donc se coller au réel le plus possible.
La scène, le dialogue ou le texte que tu as eu le plus de mal à écrire ?
L’écriture dans son ensemble est un texte qu’on a du mal à écrire. Mais il survient toujours ce petit moment de folie où tout soudainement prend du sens, s’imbrique et s’aligne pour parvenir au but.

La dernière bonne histoire que tu as lue, vue ou entendue ?
L’histoire d’un mec qui s’était suicidé d’une flèche dans le dos. Un truc pas net…
(vanne tirée du film « Fletch aux trousses » que les moins de trente ans ne peuvent pas connaître)
A l’inverse, la dernière fois que tu as été accroché par la promesse d’une histoire ou par un pitch et qu’au final, tu as été déçu ?
Avant d’aller voir Passengers, je me réjouissais du pitch. Voici le pitch : « Le Starship Avalon est un vaisseau spatial faisant route vers une lointaine planète colonisée. À son bord, plus de 5 000 passagers sont en sommeil dans des capsules d’hibernation, pour ce voyage d’une durée de 120 ans. L’un des tubes connait un problème et réveille son occupant, Jim Preston, 90 ans trop tôt… » Pas mal non ? Le résultat est une bouse. Le héros ne provoque pas d’empathie. C’est un con. Les enjeux sont maigres. Le fin est courue d’avance. Avec aucun personnage secondaire digne de ce nom et aucune morale ou au moins un pseudo message. Il ne se passe rien. Hyper déçu.
Le meilleur conseil d’écriture que tu as reçu ?
Il y a longtemps, un pote m’avait demandé quel était mon rêve dans la vie. Je lui avais répondu que je rêvais de devenir écrivain. Il m’avait alors dit « Et bien écris ! ». Pas mal non ?
Sérieusement, à chaque fois que je suis trop dans le fantasme, dans la posture, dans l’attente du résultat ou du rêve de gloire, je repense à cette évidence. D’abord, commence par écrire, phrase par phrase, page après page… Ensuite, tu pourras te rêver quelqu’un.

Le livre qu’il faut absolument avoir lu pour comprendre comment bien raconter une histoire ?
Pour les débutants, il y a un passage obligé c’est « Le héros aux mille et un visages » de Joseph Campbell. Il faut l’acheter mais surtout il faut le lire, et le relire. Ensuite, je vous conseille de regarder le film « Voyage au bout de l’enfer » de Michael Cimino. Ce film est à lui seul la somme de toutes les règles du storytelling. Transformations, personnages secondaires, symboliques, variété des émotions, etc. Du pur génie. Et enfin pour se mettre à la tête à l’envers et tout oublier de toutes les règles, il faut essayer de lire « Finnegans wake » de James Joyce. Celui qui y parvient, je lui paie une mousse.
Le scénariste que tu admires par-dessus tout ?
Les Monty Python. Désolé, j’aurais voulu dire Audiard, Astier, les Nuls ou Gotlib, que je surkiffe pour mille raisons, mais les Monty Python sont à l’origine de ma vocation alors je leur rends hommage dès que c’est possible. Peut-on dire qu’ils sont scénaristes ? Oui, entre autres.
L’absurde de l’humour anglais est un bain de jouvence dans lequel je n’oublie pas de me replonger quand je sens que mon écriture devient trop technique.
L’histoire qui m’a influencée ou que j’aurais aimé avoir écrite (et pourquoi ?)
Il s’agit donc de « Monty Python Sacré Grââl », film que j’ai vu à treize ans et qui a changé ma vie. Certains veulent devenir pompiers ou pilotes, moi je voulais devenir chevalier avec une noix de coco. Le jour où j’ai vu ce film, j’ai su que je voudrais faire ça plus tard. Je ne savais pas exactement quoi, et je cherche encore d’ailleurs, mais c’était ça ! J’aurais aimé l’écrire car cette histoire n’a ni queue ni tête et renverse toutes les règles du storytelling. L’absurde de l’humour anglais est un bain de jouvence dans lequel je n’oublie pas de me replonger quand je sens que mon écriture devient trop technique. Notamment en terme de transformation du personnage ; autant dire que les Monty Python en ont strictement rien à faire…
Celle que je conseille ou que j’offre régulièrement ?
J’offre le livre « Sublimes paroles et idioties » de Nasr Eddin Hodja aux gens que j’aime bien. Un recueil de textes délicieux, absurdes, grivois, insolents, comme rarement on en a écrits. Vraiment savoureux et facile à lire. Là encore, la part du scénariste est inexistante, c’est de la pure création sans ordre ni loi. Du pur plaisir.

Si c’était possible, qui voudrais-tu voir répondre à ce questionnaire ?
John Cleese que j’ai eu la chance de rencontrer et qui est vraiment un sacré bonhomme…